Nous avons eu 5 enfants dont les 4 premiers se suivaient en 5 ans. Ils fréquentaient l’école primaire du quartier et quasiment chaque année l’un des nôtres faisait « sa rentrée » au CP.
Dans cette école, Madame Untel gardait le CP, Madame Unetelle le CE1 etc… . Je recommençais donc chaque année avec les mêmes comptines, les mêmes histoires, les mêmes devoirs. Je n’en pouvais plus, j’étais saturée. Lorsque la dernière a eu l’âge d’aller à l’école maternelle j’ai eu connaissance d’un projet pour notre ville d’une école alternative et j’ai pensé que, quelle qu’il soit, il fallait le soutenir et je me suis engagée au côté des personnes qui se lançaient dans l’aventure.
Au fur et à mesure j’ai découvert la pédagogie et ses richesses et cela a provoqué chez moi une réelle respiration. Les finances provenaient des familles qui payaient selon leurs moyens. Il n’y avait pas de grande fortune, il fallait donc s’investir humainement. J’y ai trouvé des parents, prêts à se retrousser les manches pour que cette jeune école vive et grandisse. Il n’y avait pas de personnel administratif, l’ensemble des tâches était porté par les parents en soutien des professeurs. J’ai pu moi même faire office de secrétaire ; un parent pompier professionnel gérait les comptes. Un autre parent, marin, offrait ses semaines de récupération pour assurer les tâches matérielles.
Il a fallu structurer l’école et créer une association. J’ai tout naturellement trouvé ma place dans le conseil d’administration. Durant toute la scolarité de notre enfant j’ai accompagné l’évolution de l’école où il fallait chaque année trouver de nouvelles solutions pour abriter une nouvelle classe. Je crois que tous les parents engagés dans cette aventure ont grandi avec leurs enfants, grandi en prenant des responsabilités ; grandi en découvrant les valeurs fortes de la pédagogie. A aucun moment je ne me suis sentie embrigadée dans quoi que ce soit, toujours libre de mon investissement.
C’est au bout de quelques années que le projet a pris réellement la forme d’une vraie école avec un nombre d’enfants en croissance régulière, avec chaque année une nouvelle classe, avec du personnel administratif et d’entretien.
Aujourd’hui cette école existe encore avec au global près de 400 élèves et j’ai gardé un lien fort avec ceux qui la dirigent maintenant. Elle est enracinée dans la ville et ses environs. Elle est reconnue par les lycées qui reçoivent nos élèves en terminale. Les élus locaux, régionaux et parlementaires sont volontiers présents à nos manifestations et lors de la dernière inspection l’Académie lui a délivré un « satisfécit » !
Quand je vois aujourd’hui l’adulte qu’est devenue notre dernière enfant je ne peux que me féliciter d’avoir, à l’époque, oser faire ce choix.